Tuesday, August 31, 2004

Je reprends un canapé au saumon en contemplant les lourds rideaux pourpres qui ornent la salle de réception. Les toilettes chargées des invitées et les costumes quasi victoriens de leurs partenaires confortent l'atmosphère plutôt gothique de la scène. Ce soir l'ambassadeur du Canada reçoit, à l'occasion de la visite de quelque orchestre philharmonique.
J'accompagne en théorie Norah Dawning, voisine de pallier avec qui j'ai eu quelques occasions de bavarder, dans l'ascenceur ou autour de la piscine de notre immeuble. Celle-ci s'est toutefois fondue dans la foule depuis un certain temps.
Un quartet d'étudiants singapouriens tente d'agrémenter la soirée d'airs folkloriques québecois, si j'en crois la femme se tenant derrière moi. "Merveilleux..." Au fond de la salle, je distingue George Blisset, conseiller commercial de l'ambassade américaine, que je suis récemment allé écouter, lors d'un colloque à la Chambre de Commerce.
Une jeune femme s'approche avec hésitation, me salue et me demande si nous ne nous sommes pas rencontrés au cocktail de clôture du Festival du Film Asiatique de Singapour.

"Et alors, que faites vous de vos journées?
-Oh, vous savez, on s'occupe facilement...
-Oui, j'imagine!" Un rire, les yeux se perdent, bref silence. "Comme je vous envie! Une telle liberté!
-Oh, vous savez..."
Près du buffet, Norah Dawning, vraisemblablement ivre, semble raconter une anecdote à un homme âgé. M'apercevant, celle-ci s'arrête brusquement de parler et me salue timidement de la main.

George Blisset and friends

Tuesday, August 24, 2004

Revenu d'une courte excursion en Malaysie, je me re-acclimate à mon quotidien en dînant, seul, au Mandarin, restaurant situé au dernier étage d'une tour assez clinquante sur Orchard road.
Lieu à la mode, le Mandarin est manifestement apprécié par les expatriés plutôt "long term" et leurs amis cosmopolito-autochtones.

Curieusement, et ce malgré l’affluence, je me suis vu attribuer une des tables les plus prisées, tout à l'angle de la salle rectangulaire, faisant face à un panorama urbain des plus admirable. Seul à table, je fais figure d'exception parmi les groupes voisins, chassant bruyamment la morosité d’un mardi soir. Derrière moi, deux jeunes cabotins francophones se remémorent une récente réunion de lycée à Los Angeles. Je me refreins de me joindre à leur conversation, tout en songeant à cette fête de mariage à Pacific Palissades que je viens de manquer.

D’ici je peux voir les lumières du port, où des ouviers s’affairent même la nuit à souder de la ferraille ou à avaler des soupes aux nouilles, sous le néon blafard de quelque échoppe ambulante. Mon regard se perd dans cette multitude de lumières isolées, lumières dénuées de sens, et progressivement je ne distingue que ma propre réflection dans la vitre qui me fait face.


Le Mandarin

Wednesday, August 11, 2004

Je suis assis sur le canapé pendant que le concierge de mon condominium, ainsi que son cousin s'affairent dans ma cuisine, suite à mon appel de tout à l'heure. Ne sachant trop comment les aider à résoudre ce problème de plomberie, je m'efforce de les ignorer aussi naturellement que possible.
Sans doute un peu nerveux, je navigue de chaîne cablée en chaîne cablée, passant du gazouilli juvénil d'un programme musical aux tribulations excitées d'un chef en sueur. J'augmente brusquement le volume du poste. Derrière moi, les deux cousins semblent se disputer.
J'avais prévu de frire quelques calamars.

Saturday, August 07, 2004

Broken fingers talk
they grasp at straws
Thougth I heard a voice in there
There's no one there at all
Oh, what have we done
to come to this?
Huddled on some foreign shore
spanning the abyss

Wake up any afternoon
It's so hard to leave the bed
When you look up from the mud
you get kicked right in thr head

Broken fingers talk
They tell us what to do
Guess I'll go out for a walk
It must be after two
Underneath grey Belgian skies
the ground is slick and wet
There must be someplace else to live
I haven't found it yet
Blaine Reininger "Broken Fingers"

Souvenir d'un autre temps

Thursday, August 05, 2004

Mark m'avertit que Norah est susceptible de me brusquer ce soir. J'acquiesce évasivement, ne sachant pas très bien ce qu'il entend par "brusquer". Me faire offense, me ridiculiser?

Nous sommes assis dans le bar recémment refait du St James Club, à l'heure à laquelle la plupart de nos connaissances remontent à leur bureau après leur deuxième café. Mark est agent immobilier et projette de transformer Singapour en lieu de villégiature pour Occidentaux en mal d'exotisme stérilisé. Selon lui, nombre de ses clients délaissent leurs escapades caraïbéennes afin de rechercher, insconsciemment sans doute, le sens du temps. Bref, un ennui esthétique.
Il y voit d'ailleurs le reflet d'une tendance générale de notre société dont la signification m'échappe quelque peu.

Mon propre exil n'est-il donc qu'un symptôme du mal de vivre des villes de l'Occident? Je donne rendez-vous a Mark vers 18h30 ici-même pour que nous allions ensemble à la réception de Norah.